La naïveté de Garrett Olmsted

Garrett Olmsted est un gentil garçon. Certainement trop gentil.

Il est l’auteur d’un livre qui a eu un certain succès, The Gods of the Celts and the Indo-Europeans, en 1994. Ce livre, je l’ai vu assez souvent cité, et j’ai pu juger ainsi qu’il faisait preuve d’une certaine naïveté, par exemple dans les questions étymologiques, et je n’ai pas éprouvé le besoin d’avoir recours à ce livre dans mes propres travaux. À vrai dire, je ne l’ai jamais eu en main.

Les années ont passées, j’ignore ce qu’a fait M. Olmsted pendant ce temps (je ne l’ai croisé qu’une fois, il y a longtemps, à un congrès de celtisants ; et plus du tout à tous les autres).

Mais voici qu’il refait surface. Et de la manière la plus stupéfiante qu’on puisse imaginer.

Dans la Lettre d’Academia (car Academia, le site américain, publie désormais des Lettres, et là c’est celle qui porte le n° 35), Olmsted publie un article. Le titre : « The Gundestrupand Chiemsee cauldrons : witnesses to the Art and Iconography of the Celtic Veneti”. On y apprend que “les deux chaudrons ont été faits dans le même atelier, celui des Vénètes armoricains, entre 75 et 55 ».

Passons sur l’attribution aux Vénètes de la fabrication du chaudron de Gundestrup, que tous les autres auteurs attribuent à un atelier des Balkans, et, nommément, le plus probablement aux Scordisques (qui occupaient l’actuelle Serbie).

Non, l’immense naïveté de Garrett Olmsted éclate dans les faits suivants : s’il avait fait la moindre recherche sur internet sur le chaudron du Chiemsee, il aurait appris que ce chaudron en or a été fait, au début des années 1940, pour un dignitaire nazi[1], et que celui-ci, ou un serviteur, sa famille, ont jugé préférable de le jeter dans le Chiemsee en 1943.

Ce chaudron a en effet un air de famille avec le chaudron de Gundestrup : il faut savoir que, trouvé dans un marécage danois, ce dernier est aujourd’hui au Musée de Copenhague. Or les Allemands sous direction nazie avait occupé le Danemark. Les faussaires n’avaient donc aucune difficulté à l’inspirer du chaudron de Gundestrup, lui, authentiquement celtique, pour en faire un nouveau.

Et, depuis la découverte du Chiemsee, n’importe quel naïf aurait pu écrire la même chose que Garrett Olmsted. Mais le non naïf se documente. G. Olmsted ne l’a pas fait, persiste et signe – et il paraît bien le seul à croire à l’authenticité de ce chaudron, trouvé au pied d’un château qu’occupaient les dignitaires nazis.

Ci-dessous à gauche le chaudron de Gundestrup, à droite le chaudron du Chiemsee

  • [1]Thomas Claus, Thomas Hauer: Der Goldkessel aus dem Chiemsee – Ein archäologischer Kriminalfall. In: Ulf F. Ickerodt, Fred Mahler (Hrsg.): Archäologie und völkisches Gedankengut. Zum Umgang mit dem eigenen Erbe. Ein Beitrag zur selbstreflexiven Archäologie. Lang, Frankfurt sur Main u. a. 2010, ISBN 978-3-631-59785-9, S. 173–210.
  • Jörg Michael Seewald, Sascha Priester: Das Rätsel des Chiemsee-Kessels Mythos, Wahn und Wirklichkeit: die Nazis und ihr Heiliger Gral.dtv, Munic 2011, ISBN 978-3-423-24878